Interview de La Yegros : la cumbia électronique au féminin

Parmi les acteurs de la scène nueva cumbia, s’il y a une artiste incontournable qui a déjà réussi à s’imposer en Europe c’est bien La Yegros. Honnêtement, je l’ai découverte pendant mon séjour à Mexico via un remix de son hit Viene de Mi réalisé par les colombiens Cero39, alors qu’en France, Radio Nova la jouait déjà régulièrement… qu’importe, lors de son dernier passage à La Bellevilloise, c’est grâce à El G, fondateur du label ZZK, qui l’a révélée, que nous avons pu rencontrer la jeune chanteuse. Mariana Yegros revient sur ses influences, son succès inattendu et son amour pour la capitale française. Rencontre.

La_Yegros_2Photo utilisée avec l’aimable autorisation de La Yegros / ZZK Records

Clip du tube de La Yegros : Viene de Mi.

Un parcours entre chamamé, cumbia, chant lyrique…

CxC : Salut Mariana ! Peux-tu te présenter aux lecteurs de Couvre x Chefs ?

La Yegros : Je suis Mariana Yegros, et mon nom d’artiste est donc La Yegros.

CxC : La musique a toujours été quelque chose d’important dans ta vie ? Qu’écoutes-tu depuis que tu es petite ?

La Yegros : La musique a toujours été quelque chose de très important pour moi. Je ne suis pas née dans une famille de musiciens mais depuis toujours j’adore la musique. Mon père écoutait du chamamé, qui est une musique avec des rythmes du nord de l’Argentine, de la région de Misiones précisément. Ma mère écoutait beaucoup de cumbia… ce sont donc avec ces rythmes que j’ai grandit, que je me suis faite et je les ai écoutes toute ma vie. En grandissant j’ai commencé à écouter des musiques d’Inde, d’Afrique… je me suis fait mon propre chemin avec les différents styles qui m’ont plu et qui me servent aujourd’hui à m’inspirer pour composer mes propres chansons.

CxC : Ça fait longtemps que tu fais de la musique ? Comment as-tu commencé ?

La Yegros : Je suis entrée au conservatoire de musique de Morón de Buenos Aires. C’est un très bon conservatoire, très reconnu. J’ai commencé par étudier le chant lyrique, l’opéra… ensuite j’ai eu la chance de faire partie de De La Guardia, une troupe de théâtre et de danse. J’ai été au casting, j’ai été prise et j’ai pu faire ma première représentation devant 15 000 personnes. Ça a été un moment très important pour moi, ce fut un début de carrière magique ! C’est justement à ce moment là que j’ai senti que c’était ce que je voulais faire de ma vie : être chanteuse et vivre de la musique et de mes chansons. J’ai arrêté le conservatoire et j’ai commencé à composer mes propres morceaux qui étaient plus en accord avec ce que je voulais faire : m’inspirer de musiques primitives, folkloriques, d’Inde, d’Afrique…

CxC : Ta musique combine pas mal d’influences comme le reggae, le folk, le dancehall… et le chamamé ! Quelles sont tes inspirations ?

La Yegros : Sur le disque et dans le projet nous sommes trois compositeurs : je compose une partie, King Coya et Daniel Martin composent les musiques. C’est Daniel Martin qui a composé Viene de Mi d’ailleurs. Mes inspirations sont surtout les émotions de l’être humain comme la joie, la tristesse, la solitude… ce sont des moments de vie très profonds que j’ai envie d’exprimer et auxquels je m’identifie moi-même… et c’est super que le public s’identifie aussi dans ce que je chante !

CxC : Comment composes-tu tes chansons ? Tu travailles toujours avec les mêmes personnes ?

La Yegros : Oui. En fait, soit chacun compose de son côté, soit on compose ensemble ça dépend. Parfois l’un de nous écrit les paroles, et puis on les envoie à King Coya ou a Daniel Martin qui composent la musique. Personne ne change les paroles des autres, quand quelqu’un écrit un texte, il reste tel quel. D’ailleurs aujourd’hui (NDLR : l’interview a été réalisée le 28 mai 2014 à la Bellevilloise à Paris) on va interpréter pour la première fois une  nouvelle chanson composée par Daniel Martin qui s’appelle Chicha Roja, ce sera la première ici à Paris.

…jusqu’à la cumbia digitale, et underground, de Buenos Aires : le label ZZK Records

CxC : J’ai l’impression que le mouvement de cumbia digitale est très développé en Argentine… comment est-il perçu là-bas ? C’est toujours quelque chose d’underground ou ça s’est démocratisé ?

La Yegros : La cumbia électronique (ou digitale) reste alternative, plus underground, ce n’est pas encore une musique populaire que tout le monde connaît. C’est un mouvement très jeune, très contemporain… ça s’écoute et se danse dans des endroits qui sont encore undergrounds.

CxC : Parle-nous un peu plus de ta collaboration avec King Coya ! Comment as-tu commencé à travailler avec ZZK ?

La Yegros : C’est grâce à King Coya qu’est né le nom de La Yegros car c’est lui qui est à l’origine du projet. Il était déjà connu comme producteur sous le nom de Gaby Kerpel en Argentine quand il a voulu se créer un alter-ego : King Coya. Avec ce nouveau projet il a commencé à faire de la musique électronique mélangée à de la cumbia et il m’invitait à chanter à ses concerts. Un jour, nous sommes allés au Danemark, au festival Roskilde. L’accueil des gens et la connexion qui s’est faite avec mes chansons ont été incroyables. C’est là qu’on a pensé faire un disque. Après le festival, ZZK (NDLA : label pionnier argentin de cumbia digitale) m’a proposé qu’on travaille ensemble pour sortir le disque chez eux. Quatre ans plus tard est sorti l’album Viene de Mi.

Vidéo des deux premières dates européennes de La Yegros en 2013, déjà un public convaincu !

CxC : Qui sont tes artistes favoris de ce mouvement ? De ZZK ou non !

La Yegros : Dans ZZK nous sommes 10 : King Coya, Chancha Via Circuito, Tremor, El Remolón, Frikstailers… la plupart sont des producteurs de musique. Le seul groupe du label c’est nous, et la seule chanteuse c’est moi ! Chaque artiste a son propre univers, toutes les propositions ont des points communs, mais chacun a un style qui lui est propre. Moi je les adore tous.
Sorti d’eux, j’aime beaucoup Bomba Estereo, je trouve qu’ils ont un point commun avec nous : ils mélangent de la musique électronique avec de la cumbia de leur région de Colombie. J’aime beaucoup aussi une chanteuse qui s’appelle Rita Indiana qui est de République Dominicaine, elle aussi mixe de la musique électronique avec des rythmes primitifs comme le merengue.

Le carton de Viene de Mi : l’amour pour Paris

CxC : Comment définirais-tu l’impact qu’a eu dans ta vie ta chanson et ton disque Viene de Mi ?

La Yegros : Tout simplement : cette chanson a changé ma vie. À un moment je dis « Une lumière, chérie, une lumière tortueuse qui, dans le désert, a changé ma vie » (NDLA : VO « Una luz, querida, una luz torcida que en el desierto cambió mi vida »). Je pense que justement,  bon je n’étais pas dans le désert, mais cette chanson a bouleversé ma vie. Sincèrement je ne l’imaginais pas du tout et n’ai pas non plus espéré que ça arrive ! Je crois que c’est justement parce que c’est arrivé dans ces conditions que je le vis d’autant plus fort. On n’a jamais fait le disque en pensant faire des tournées, si longues, si longtemps… que ce projet ai tant grandit m’émeut beaucoup et je tache d’en profiter le plus possible et d’être consciente de ce qui est en train de m’arriver. Je profite beaucoup du public et le remercie chaleureusement à chaque fois que je chante cette chanson… car je sais que beaucoup d’entre eux sont venus pour l’écouter. Pour moi c’est toujours un moment très particulier du concert, je sais que c’est grâce à cette chanson que nous sommes ici.

CxC : Que ressens-tu à l’idée de jouer à Paris ce soir ?

La Yegros : Cette ville est très spéciale pour moi parmi toutes celles où on va jouer, et elle l’est aussi dans ma vie en général. Dans le futur je pense que Paris représentera beaucoup pour moi car c’est la ville qui nous a ouvert les portes de l’Europe. Pour moi c’est très spécial de jouer ici, c’est très émouvant, les gens sont adorables avec nous il y a une sorte de feeling. Jouer à Paris m’inspire beaucoup, j’adore, j’en suis très heureuse.

CxC : Bien que tu fasses partie d’un label de cumbia digitale, tu joues avec un groupe de musiciens sur scène, qui sont-ils ?

La Yegros : La percussion et les parties électroniques sont jouées par Gabriel Ostertag, la guitare par David Martinez et Nico Deluca est notre accordéoniste.

CxC : Tu chanteras d’autres chansons inédites ce soir ?

La Yegros : Oui il y a donc la chanson Chicha Roja dont je te parlais avant… et puis nous sommes déjà en train de composer pour le prochain disque dont on inclut 5 ou 6 nouvelles chansons dans notre set depuis un mois.

CxC : Quels sont tes projets pour la suite ?

La Yegros : Nous sommes en train de composer le prochain disque avec King Coya et Daniel Martin. C’est compliqué parce que moi je vis ici (NDLA : à Paris), King Coya vit à Buenos Aires, Daniel Martin à Mendoza, une région loin de Buenos Aires. On échange pas mal par internet donc espérons que le prochain disque sorte l’année prochaine.

Entretien réalisé grâce à l’aimable participation de Pauline Scannella.
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Le dernier clip de La Yegros : Trocitos de Madera.