Chronique de l'album de NWlll
Chronique de l'album de NWlll

NWlll crée des portails vers d’autres dimensions

Ok, imaginez une jeune elfe Russe, NWlll, qui enregistre entre deux sets en pleine nature, son premier « RPG Trance album ». Comprendre la bande son plus ou moins fictive d’un RPG (pour les novices : un jeu de rôle à la première personne) en multijoueur ou en solo. MMO RPG/ RPG.

Bien, une elfe donc sans doute venue du fin fond de Skyrim ou de la nature Russe, ou des deux. Des fins fonds du net en tout cas, NWlll propose en 7 titres co-réalisés pour certains avec Battle Toad, pour d’autres avec Ars Was Taken ou encore en solo.

Mêlant l’ambient à la transe, c’est bel et bien le parcours immersive que l’on peut retrouver dans un RPG, Morrowind n’est pas si loin, Diablo, Baldur Gates, ou encore le très récent et très beau A Plague Tale : Innocence.

Même si là on n’est pas dans un RPG canonique vue qu’on évolue dans un monde non ouvert, et plus dirigé, entre les rats qui propagent la peste dans un moyen âge semi-fantasmé.

Bref, on connaît l’importance du jeu vidéo sur les musiques hybrides, mais plus rare sont les initiatives narratives et sonores autour de la question. Il y a bien sûr des jolis projets comme celui de Krampf et Oklou où un jeu vidéo a été construit et dont tout le système sonore se fait au fil des déplacements performés par Oklou pendant le live, il y a encore de la toy music a proprement parlé, ou même des beats et autres samples issus de Pokemon, Sonic ou Mario. Mais un projet narratif et sonore avec comme contrainte « my first RPG Trance album (…) Enjoy your trip through the Dragon Portal », comme nous raconte NWlll, pour ma part c’est du jamais vu.

Bon bien évidemment, j’ai directement pensé à Skyrim quand on parle de dragon, mais les jeux vidéo ne manquent pas de « Dragon Portal ».

Chronique : « Dragon Portal » de
NWIII

Une fois posées ces deux trois choses, qu’en est-il de cet EP ? Je dois dire qu’on n’est pas déçus par la promesse de NWlll. Si on l’écoute les yeux fermés, ou en jouant à Skyrim sans musique, on s’y voit. Il y a une vraie narration, un vrai découpage. Entre ambient et trance, entre nappes synthés d’ordi et bruits de corbeaux samplés d’on ne sait où, entre une sorte de froideur techno pitché et texture chaleureuse qui donne le rythme d’une course en avant.

En fait c’est une bande son d’ambiances et de sentiments assez propre à l’exploration des RPG, mais c’est aussi un boost électronique qui rend tout à fait autonome cette bande son fictive.

On se voit assez bien vagabonder aux alentours d’une ville 3D ou dans les plaines montagneuses sur un cheval ou une bestiole qui sert à nous transporter plus rapidement d’un point A à un point B. Entre les bosses, entre les donjons, entre les plaines et la nature vive.

Mais sans s’arrêter à cette réussite de fiction, qui rend parfaitement l’esprit RPG, il y a une réussite propre à cet EP, la traduction sonore de toute une histoire des bandes sons de jeux vidéo du sus-dit type. Mais, et c’est là où c’est assez formidable, cet EP existe aussi sans ça. Une sorte de trance synthétique, où se mêle des nappes d’ambient, et des chevauchées fantastiques.

Il y a de fait un caractère épique dans cet EP électronique, plutôt atypique dans sa démarche, mais finalement pas si loin de l’hybrid-club que l’on connaît. Surtout depuis ces trois dernières années avec le comeback des années 2000, eurodance, makina basque et Loft Story.

Mais là, vraiment ce caractère épique électronique, est un frappant et délicieux envoutement. Il y a ces samples de voix, il y a cette touche trance eurodance, il y a ces beats techno post 130BPM, il y a ces cavalcades, ces chevauchées, cette architecture entre nappe ambient, travail mélodique, quelques instrumentations, il y a une certaine complexité, une certaine densité dans les agencements et les assemblages de chaque piste. Il y a cette durée assez longue aussi, qui persiste bien après l’écoute. Il y a surtout, cette merveilleuse réussite de donner un sentiment de mouvement, un sentiment d’exploration, alors qu’on écoute « Dragon Portal », sur son portable en allant se balader, sur son canapé, ou dans son lit les yeux rivés au plafond.

C’est presque un roman d’aventure, presque un RPG sans RPG et ça c’est plutôt très chouette.

Si l’on s’attarde sur la chaîne YouTube de NWlll, sans connaître plus avant sa pratique, on constate l’intéressante ambiguïté entre ces différentes productions. DJ set au milieu d’une nature sauvage, et seule, comme une elfe magicienne, ou bien bande son d’un RPG plus ou moins fictif. Le grand écart entre internet, et les grands espaces. On peut être tout simplement une autre manifestation de la réalité des hybridations les plus radicales, et les plus ésotériques dans les musiques électroniques contemporaines.

Avec tout ça, je n’ai toujours pas décidé si j’allais tuer ou non Paarthurnax, mais je suis certain qu’une deuxième ou troisième écoute de Dragon Portal me permettra d’éclairer la question.