Depuis maintenant 5 ans, le collectif HiedraH Club de Baile partage sa vision de la fête comme acte de contestation politique à Buenos Aires. Né de l’amitié de Nahuel Colazo, Melody aka Tayhana (aujourd’hui aussi membre de NAAFI) et Ybán López Ratto et de leur envie commune de créer un espace d’expression sûr et saint, HiedraH est aujourd’hui un des événements les plus novateurs d’Amérique du Sud.
HiedraH fête ses 5 ans d’existence avec la sortie de la compilation Esquirlas qui réunit un casting impressionnant de producteurs avant-gardistes qui ont fait / participé à l’aventure HiedraH. C’était l’occasion de poser quelques questions à Nahuel et Yban. (l’interview originale réalisée en espagnole est à retrouver en dessous de celle-ci).
Dans quel contexte naît HiedraH ?
Hiedrah est un club de danse né en 2013. A cette époque, Nahuel, Melody [NDLR : Tayhana] et moi (Yban) étions trois étudiants en cinéma, arrivés depuis peu à Buenos Aires, mais notre vraie vocation était de sortir danser. On sortait 7 jours sur 7, sans se reposer.
Je crois que chacun de nous trouvait dans la danse la libération nécessaire vis-à-vis de nos propres attaches. Les préjugés que nous avons le jour sur nos corps, goûts et conditions, étaient paralysés par cette énergie en mouvement. Ce n’est pas facile, quand tu viens d’arriver à Buenos Aires, de comprendre comment marche la ville. HiedraH a commencé comme une fête dans le salon de nos maisons, comme une réponse à ce questionnement. Un lieu où se protéger et écouter la musique qui nous était propre.
HiedraH est né comme un bébé qui ne sait pas ramper, bousculé par la nécessité de couvrir un espace qui nous manquait. Au début nous ne savions pas comment nous y prendre, mais les gens qui nous ressemblent nous ont vite donné la réponse. HiedraH allait être un espace pour danser sur des musiques urbaines et périphériques, loin des dynamiques des boîtes de nuit et leurs pratiques prédatrices.
Votre slogan est « BAILAR ES POLÍTICA », dans quelle mesure se rapprochent la musique et la politique au sein de HiedraH ?
Je pense que la réponse antérieure esquisse un peu pourquoi nous avons décidé de faire de notre club de danse un espace de réflexion et de discussion politique. Au sein et à l’extérieur de HiedraH, dans n’importe quelle production, il y a un message politique, visible ou non, une « manière de voir, d’être et de prendre » position face au monde. Pour nous, la définition même de « politique » commence comme un ordre possible (ou impossible) des corps dans un même espace, c’est pour cela que nous souhaitons mettre en évidence la connexion danse-politique.
Le devoir de HiedraH, sa posture politique, est de bousculer les canons normatifs qui soutiennent l’hégémonie de certains corps sur d’autres ou bien qui approuvent leur soumission et leur extermination. Dans le monde d’aujourd’hui, les pratiques physiques se réduisent à de petits espaces qui nous sont assignés comme « moments de temps libre » : ce sont des fausses idées de liberté. Cependant, dans la pratique, cela nous confronte contre tous types de fascismes : de repenser l’appropriation culturelle jusqu’à négocier des espaces habilités à notre propre pratique.
Qu’est-ce qui unissent des différents membres du collectif ?
Il y a quatre choses qui nous unissent comme collectif et comme groupe d’amis : l’objectif de déranger, la puissance de la précarité, l’émotion de la colère et la sincérité comme véhicule.
Nous sommes toutes capables d’être cyniques quant à nos destins et cela nous unis dans une sorte de fiction créative. Tout ça avec beaucoup d’humour.
Comment décririez-vous une soirée HiedraH ?
HiedraH n’est pas une fête passive. Dire précisément ce qu’il est possible de trouver dans notre club de danse serait un peu imprudent, puisque le but de notre projet est que le public se rencontre et se l’approprie, en tant qu’individu mais aussi en tant que groupe. Nous croyons que la fête est le mélange parfait entre l’inattendu d’un happening et l’intention d’un récit cinématographique. La sexualité et l’humour noir sont des éléments récurrents de HiedraH.
Nous tentons aussi d’en faire un espace politique de prise de pouvoir, où les personnes peuvent manifester et se protéger mutuellement. Nous tâchons de nous défendre face à tous les comportements prédatoires ou violents, mais ceci fait partie des choses auxquelles on ne peut pas s’attendre forcément.
Quels ont été les faits les plus marquants de HiedraH jusqu’à maintenant ?
Le plus important de l’histoire de HiedraH comme collectif est d’avoir réussi à survivre 5 ans (!) à la gestion des politiques culturelles officielles de la ville de Buenos Aires.
Le meilleur / le plus difficile de mener un projet tel que HiedraH en Argentine ?
Pour nous, HiedraH est une stratégie de survie. Cela nous maintient actives et provocatrices afin d’affronter ce qui ne nous plait pas, mais aussi ce que nous sommes. Grâce à HiedraH nous avons rencontré beaucoup de gens qui aujourd’hui font partie des nôtres, nous les admirons et développons ainsi un réseau d’amitiés sudakas (NDLR : d’Amérique latine) très grand. Ceci est vu comme un succès à Buenos Aires et nous en sommes fiers.
D’un autre côté, le plus difficile de notre projet, comme tant d’autres projets dissidents, est qu’il est presque impossible qu’il ne soit pas recapturé, en plus d’être quasiment non viable au sein d’une ville qui ne dispose pas d’espace ni d’outils pour ce que nous voulons faire.
De quelles autres manifestations / collectifs vous sentez-vous proches ?
Durant ces 5 années nous avons tissé des liens et avons rencontré les producteurs d’Amérique du Sud qui font partie de l’histoire de HiedraH. Nous admirons chacun d’eux et sentons une forte fraternité de pensée dans notre groupe. Ce sont les artistes que vous pourrez écouter dans notre première compilation.
Concernant des collectifs que nous considérons comme ayant une esthétique ou une affinité particulière avec le nôtre, nous pensons que Tormenta (Brésil) est le plus similaire à HiedraH.
Quel a été le fil directeur de votre compilation Esquirlas ?
Esquirlas est notre premier projet musical original en tant que collectif. Il réunit 12 producteurs d’Amérique du Sud que nous avons rencontrés et avec qui nous avons travaillé durant ces 5 dernières années. La consigne de ce travail a été de repenser la mémoire, non pas comme un « grand récit historique », mais plutôt comme une expérience personnelle et intransférable, une fiction de ce que nous ressentons.
Suivant cette idée nous avons travaillé sur les premières approches du rythme de chacune d’entre nous.
Esquirlas est disponible dès maintenant sur SoundCloud et Bandcamp.
Traduction française : Philippe Barthelemy
VO ESPAÑOL
En qué contexto nace HiedraH ?
HiedraH Club de Baile surge en 2013. En ese entonces, Nahuel, Melody y yo (Yban) éramos tres estudiantes de Cine recién llegados a Buenos Aires, pero nuestra verdadera vocación era salir a bailar. Salíamos de lunes a lunes, sin descanso.
Creo que los tres encontrábamos en el baile la liberación necesaria de nuestras propias ataduras, y los propios prejuicios que sostenemos en el dia a dia sobre nuestros cuerpos, gustos, condiciones, quedaban paralizados por esa energia en movimiento. No es fácil cuando recien llegas a B.A entenderte con las dinámicas de la ciudad y HiedraH arrancó siendo una fiesta en el living-room de nuestras casas como respuesta a ello. Un lugar donde protegerse y poder escuchar la musica que sentíamos nos era propia.
HiedraH nació como un bebé que no sabe gatear, movido por la necesidad de cubrir ese espacio que nos estaba faltando, y que al principio no sabíamos bien cómo llevar a cabo, pero la gente como nosotras rápidamente fue dando respuesta. Un espacio para bailar sonidos urbanos y periféricos lejos de las dinámicas de los boliches y sus prácticas predatorias.
Su slogan es « BAILAR ES POLÍTICA », de qué manera se relacionan la musica de baile y la politica dentro de HiedraH?
Creo que la respuesta anterior esboza un poco por qué decidimos hacer del club de baile un espacio de reflexión y disputa político. Dentro y fuera de HiedraH, cualquier práctica de producción cultural sostiene (visible o no su enunciación) una práctica política, un “modo de ver, ser y tomar” posición frente al mundo. Para nosotras la definición de política misma empieza como un posible orden (o desorden) de las corporalidades en un mismo espacio, por eso la importancia de hacer manifiesta la conexión baile-política.
La tarea de HiedraH o su posición política es la de tratar de incomodar los cánones normativos que sostienen la hegemonía de ciertos cuerpxs por sobre otros y por lo tanto, validan su sometimiento y exterminio. En el mundo de hoy, las prácticas físicas se reducen a pequeños espacios que nos son asignados como “momentos de ocio”: falsas ideas de libertad. Nosotras tratamos de reconstruir la idea ancestral de baile como emancipación del cuerpo, terreno de disputa de poderes y práctica de libertad. Sin embargo, en la práctica eso nos confronta con todo tipo de fascismos: desde repensar la apropiación cultural hasta litigar espacios habilitados para nuestro hacer.
Qué une a los miembros del colectivo HiedraH ?
Existen cuatro cosas que nos unen como colectivo y como red de afectos: el objetivo es incomodar, la potencia es la precariedad, la emoción es la ira y el vehículo es la sinceridad.
Todas nos reconocemos capaces de ser cínicas sobre nuestros destinos y eso nos une en nuestra ficción creativa. Todo con mucho humor.
Qué sucede en una fiesta HiedraH?
HiedraH no es una fiesta cómoda. Aventurar lo que una puede encontrarse en nuestro club de baile sería un poco imprudente, ya que el gran propósito de este movimiento es que la gente se encuentre y se lo apropie, en un sentido de pertenencia que es personal y grupal a su vez. Creemos que la fiesta es la mezcla perfecta entre lo insospechado del Happening y la intención de relato de una película cinematográfica. Las cuotas justas de sexualidad y comedia negra nos acompañan siempre.
También intentamos que sea un espacio político de empoderamiento, dónde las personas puedan manifestarse y protegerse mutuamente. Intentamos defendernos frente a cualquier comportamiento predatorio o violento, pero eso también es parte de lo insospechado de nuestra tarea.
Cuales han sido los actos mas relevantes de HiedraH hasta la fecha?
El acto más relevante de HiedraH como colectivo es sobrevivir ¡cinco años! a la gestión cultural oficial de la Ciudad de Buenos Aires.
Cual es lo mejor y cual es lo peor / mas dificil de hacer una fiesta / disquera como la suya en Argentina?
HiedraH para nosotras es una estrategia de supervivencia. Nos mantiene activas y desafiantes para afrontar las cosas que no nos gustan y las cosas que somos también. A través de HiedraH hemos conocido muchas otras que admiramos y desarrollamos una red de afectos sudakas muy grande, que nos emplazan como un suceso en Buenos Aires y que nos enorgullece.
Por otro lado, lo peor es que nuestro proyecto, como tantos otros que proponen una disidencia, es difícil de que no sea recapturado, y casi inviable de que funcione de manera práctica en una ciudad que no dispone espacios ni herramientas para lo que queremos hacer.
Quienes son los actos hermanos de HiedraH?
A través de estos cinco años fuimos vinculando y conectando productores de Sudamérica que han sido parte de la historia de HiedraH. A cada uno de ellos los admiramos y sentimos una hermandad de pensamiento fuerte, y son los que podrán escuchar en nuestro primer Compilado.
Respecto a colectivos que consideremos tengan una estética o afinidad particular con el nuestro, creemos que Tormenta (Brasil) es lo más similar a HiedraH.
Cual es el concepto de su compilado « Esquirlas »?
Esquirlas es nuestro primer trabajo de música original como colectivo y reúne 12 productores de Sudamérica que fuimos conociendo y trabajando en conjunto en estos cinco años. La consigna de trabajo fue repensar la Memoria, no como un “gran relato histórico” sino como una experiencia personal e intransferible, una ficción de lo que alguna vez sentimos.
Con esa idea trabajamos sobre las primeras aproximaciones al ritmo de cada una.