Love In The Endz & Matraca dévoilent la cartographie sonore d’un Pérou en résistance
[untitled] Peru: Adentro est le second volet du diptyque des labels Love in the Endz (UK) et Matraca (PE). Après [untitled] Peru: Afuera (juin dernier), consacré à l’exil et à la diaspora, ce nouvel opus se tourne vers l’intérieur du pays et met en lumière celles et ceux qui créent depuis le territoire péruvien malgré un contexte politique et social critique.
La compilation rassemble plusieurs générations d’artistes — ARK, Carly Core, Cybernovia, Dr.100, Fer Lerant, Hatajo Som, Hanuna, Ira Zema, Khromatik, Pira Lemu, Shushupe, Vudufa, entre autres — et propose un panorama vivant de l’avant-garde musicale péruvienne, entre expérimentations électroniques, héritage culturel et futurisme sonore.
Créer au Pérou est un acte politique
Fin 2025, le Pérou traverse la plus grave crise de son histoire républicaine : huit présidents en dix ans, explosion de la violence et de l’impunité, Congrès infiltré par le crime organisé et répression armée contre la population. Les assassinats commandités et l’extorsion frappent toutes les classes sociales, au point que des musiciens populaires se produisent en gilet pare-balles après plusieurs fusillades mortelles sur scène.
La police réprime la culture et la liberté artistique et a déjà coûté la vie à des artistes comme TRVKO. Pendant que certains s’exilent — comme le mettait en valeur la compilation [untitled] Peru: Afuera — celles et ceux qui restent transforment leur travail en forme de résistance.
Avec “Malika”, la productrice Ira Zema livre un titre entre folklore réinventé et mémoire en résistance
Parmi les titres phares [untitled] Peru: Adentro, le morceau « Malika » de la productrice péruvienne Ira Zema, révélé en exclusivité sur Couvre x Chefs, cristallise l’essence du projet, alliant mémoire communautaire et avant-garde électronique.
Ira Zema est artiste sonore, musicologue, ingénieure du son et productrice. Ses œuvres explorent les relations entre territoire, communautés, mémoire et oralité, face à la crise environnementale et aux récits dominants. Elle compose des paysages sonores à partir d’enregistrements du territoire, de témoignages et de traditions, créant des cartographies sensibles qui deviennent un appel à la justice climatique.
Son morceau « Malika » se base sur une réinterprétation du caporal, ou saya, rythme et danse afro-andin·e typique de l’Altiplato, région de la Cordillère des Andes où se trouve entre autres Puno, ville péruvienne d’où est native Ira Zema. Côté samples, la productrice a mélangé principalement deux échantillons, la musique vient du morceau « Malika » enregistré en 1967 par le Conjunto Orquestal Puno (orchestre dirigé par… son grand-père !), et les voix viennent d’une autre version de « Malica » interprétée par les CAV Los Intimos Puno (1966). Mais qui est Malica alors ? Eh bien c’est une référence à la légende Malika o la Fundación de Puno, un récit qui raconte la découverte des mines d’argent de Puno, fruit de la rencontre entre un espagnol (José Salcedo) et une femme indigène (Malika) qui lui aurait indiqué l’emplacement de celles-ci.
Sa participation dépasse le simple cadre musical : « Malika » est un acte artistique, mémoriel et politique.
Plus qu’une compilation : une archive vivante
Dans un pays en crise, [untitled] Peru: Adentro célèbre une scène qui refuse le silence. Ce volume témoigne d’une création péruvienne qui continue d’exister avec la douleur, la tendresse ou la rage — mais toujours avec dignité. Entre mémoire, outil d’expression collective et refus de disparition, le projet de Matraca et Love In The Endz est la preuve que la culture reste un territoire de justice et de liberté.
Pre-order [untitled] Peru: Adentro sur Bandcamp, sortie le 5 décembre via Love In The Endz et Matraca.


