Baron Rétif & Concepción Pérez, si tu me côtoies de temps en temps, j’ai forcément déjà du réussir à te glisser des morceaux de ce groupe dans les oreilles ou dans ton ordinateur. Pour moi, c’est la proposition musicale la plus intéressante de la galaxie : une beat musique étiquetée funk mou, une décalette avec un groove imparable, la bande son raffinée des plus grandes occasions comme des plus simples, ce qui devrait être absolument diffusé dans les clubs les plus intransigeants… bref, après avoir relayé leurs moindres faits et gestes depuis plus de trois ans, j’ai profité de la sortie de leur nouveau disque L’Indien pour leur poser quelques questions en vrac… voici donc enfin sur Couvre x Chefs l’interview de Baron Rétif & Concepción Pérez :
Pochette de L’Indien, le nouveau disque de BR&CP, réalisée par Pierre Thyss
Couvre x Chefs : Venons en au fait : L’Indien, votre nouvel EP vient de sortir chez Heavenly Sweetness, que doit-on savoir avant de l’écouter ou de le réécouter ?
Baron Rétif & Concepción Pérez : On a appelé ce disque L’Indien exactement parce que ça veut dire que l’inconnu est excitant!
Parce qu’on ne sait pas ce qui va arriver, que celui qu’on attend parfois n’arrive jamais, et que n’importe qui, n’importe quoi, peut sortir du bois, n’importe quand et surtout qu’on ne peut pas le savoir à l’avance.
Donc on doit s’attendre à tout… Dans l’ordre, sur la face A: des pépiements, des cliquetis, de la pyrotechnie, des gros rebondissements. Puis un hymne d’urbains en mal de forêt primaire avec des moments de reggae chic et de funk mou. Ensuite une sorte de rite, de la transe, un groove de désert la nuit, un trip, une navigation céleste, des rythmes moites et lourds, des grandes ondulations. Sur l’autre face: de la musique de culte avec de la fumée, une berceuse houleuse, de la danse horizontale. Et enfin Le sentier de la guerre, des beat variations, des déclinaisons, un kaléidoscope, des matriochka de plusieurs morceaux en un, une longue trace.
CxC : Pierre Thyss, qu’on a découvert grâce à vous, est auteur du visuel, il se passe quoi dans le voyage de ce type qui, si on se fie à son retro, vole dans l’espace ? (NDLA : relire notre interview de Pierre Thyss ici!)
BR&CP : Le mec de la pochette? Il faut demander à Pierre Thyss. Pierre lui navigue pépère, g-funk japonais dans l’autoradio et fenêtre ouverte, il laisse traverser tous les gens et les animaux qui se présentent sur le bas côté en leur faisant un sourire en coin derrière ses lunettes de soleil.
CXC : Il y a un visuel de vous, visiblement réalisé par Pierre Thyss aussi, sur lequel vous êtes 4… qui sont les deux au centre ?
BR&CP : À gauche c’est Gérard notre roadie, qui est un ancien trappeur, à droite c’est Michel notre manager et naturopathe.
Le fameux visuel donc avec Baron, Gérard, Michel et Concepción. Oeuvre de Pierre Thyss !
CxC : Pourquoi L’Indien n’est pas sorti chez Musique Large ? Quand vous revoit-on chez eux ?
BR&CP : Parce que L’Indien sort où il veut, c’est l’idée. Heavenly Sweetness avait envie de travailler avec nous, et comme nous aussi, ça c’est fait. On nous reverra chez Musique Large bientôt. Et ailleurs aussi peut être.
CxC : Ça fait quoi d’avoir remixé le « pape » de la techno, Laurent Garnier ? C’était quelque chose que vous auriez imaginé un jour ? (NDLA : titre dispo sur le EP Garnier sorti chez Musique Large, relire notre article ici)
BR&CP : Ca fait plaisir, évidemment. Après la techno nous on en a jamais trop écouté mais le mec est au delà, justement. Et puis on savait qu’il kiffait nos sons, il les avait passés dans ses émissions donc déjà, on l’aimait bien : ) Pour l’occasion, spécialement pour lui on a mis de la guitare électrique. On avait jamais imaginé ça précisément mais tout reste toujours envisageable…
CxC : Comment se déroule votre processus de composition ?
BR&CP : C’est un peu comme changer un pneu. On enregistre beaucoup de beats, qu’on termine ou pas à l’envie ou au besoin. Ça peut prendre très longtemps, sur l’Indien il y a des enregistrements qui datent d’une petite dizaine d’année, qui ont été retravaillés récemment. On a toujours des morceaux qui errent à différents niveaux d’achèvement, qu’on oublie, qu’on retrouve, qu’on customise encore, qu’on laisse vieillir parce que dehors c’est pas encore prêt, qu’on perd parce que les machines claquent. On devrait les millésimer.
CxC : Vous faîtes aussi des dj sets et des mix… comment les construisez-vous ?
BR&CP : On collectionne les morceaux qui nous plaisent, qui sortent vraiment du lot à nos yeux, tous styles et toutes périodes confondus. Et un jour on les compile, on les mélange, on les organise pour créer un truc cohérent sur la durée, et comme ça n’arrive pas souvent qu’on en mette en ligne, la séléction est plutôt drastique (même si il arrive qu’au final un engouement récent se retrouve là et soit quelque peu injustifié;). Il n’y a pas de limite, c’est plus drôle comme ça.
CxC : J’ai toujours trouvé que vos compos avait un certain côté cinématographique… si votre musique devait être la BO d’un film, ce serait lequel ?
BR&CP : Le premier extrait en ligne de L’Indien emprunte des images à Baraka de Ron Fricke. Il y en aura bientôt un autre, plus connu, avec des vedettes hollywoodiennes et des indiens… mais pas comme vous pensez. Et puis il y en aura encore d’autre pour les autres morceaux. Tous ces films sont des films qu’on aime, forcément. Il y a aussi la vidéo du morceau L’Indien que Breken Korst a faite pour nous qu’on adore et que vous verrez bientôt. C’est tellement trippé que ça nous rend dingue, on en est fou. On se sent extrêmement redevable de tous les gens qui ont fait des vidéos pour nos morceaux, c’est une expérience magique de voir apparaitre des images sur sa musique, et aujourd’hui ce sont évidemment les films qui collent le mieux à nos morceaux.
CxC : Et à l’inverse, faire une BO de film c’est un exercice qui vous intéresserait ?
BR&CP : En fait on l’a déjà fait, pour un dessin animé de Marc Sabater, qui d’ailleurs joue de la basse sur L’Indien, et on a beaucoup aimé le faire.
CxC : Parlons un peu de vous… quinze ans d’amitié, ça se fête non ?
BR&CP : En mangeant des chips.
CxC : Comment est né ce son si particulier qui vous caractérise ? Baron Rétif & Concepción Pérez est votre premier groupe ou c’est plutôt le résultat d’un parcours musical varié ?
BR&CP : On produit des enregistrements ensemble depuis un certain temps, avec peu de variations finalement. Dès qu’on a pu enregistrer sur un 4 pistes on a plus tellement arrêté de le faire.
CxC : J’ai pris connaissance récemment des beat tapes que vous sortiez sous le nom ADDISQT, … c’était quoi l’idée ?
BR&CP : Faire des beats en mode classique, pur, c’est à dire avec sampling, est une activité extrêmement addictive, et on devient vite prolifique. Les résultats sont souvent des morceaux courts, qui s’ajoutent à mesure que les jours passent. L’idée c’était d’en sortir quelques uns, compilés autour d’un film par disque dont on ajoutait des « skits » dans ou entre les morceaux. C’était des cd-r, avec des stickers dessus. C’était vendu dans des magasins cools, les disquaires qui s’intéressaient à ce genre de son à Paris.
CxC : Vous avez choisi Musique Large pour diffuser votre musique ou c’est eux qui vous ont choisi ?
BR&CP : Un peu les deux probablement, on a cherché un label qui puisse correspondre, ils se sont rendus compte qu’ils correspondaient.
CxC : Concepción (Pierre ? On peut dire ton vrai nom ?) tu nous avais dit autour d’une bière un certain soir d’été 2012 que le live parfait pour Baron Rétif & Concepción Pérez c’était jouer devant un public assis. Ça s’est fait depuis ?
CP : À peu près oui, l’été dernier on a joué au festival Aires Libres à Marseille, c’était l’après midi, dans un parc et beaucoup de gens étaient posés sur la pelouse, c’était très cool.
En fait ce qu’on aime faire le plus souvent possible, c’est jouer par terre au même niveau que le public, et quand une bande de gus se cassent la nuque et bodygroove juste à côté de nous en s’exclamant, c’est ça le live parfait. En fait ça arrive souvent.
CxC : Et le toit terrasse ?
BR&CP : Ah ça toujours pas, on l’attend!
CxC : Comment s’est passé votre voyage au Japon l’année dernière ? Si je me souviens bien les japonais vous avaient fait un site web spécial pour l’occasion…
BR&CP : Super bien, on pense à y retourner en équipe… ça s’organise.
CxC : Comment préparez-vous vos lives ? Il y a un gros travail de simplification pour reproduire à deux toutes les pistes pré enregistrées non ?
BR&CP : Il y a rarement plus de 4 instrument en même temps sur nos morceaux, et on a chacun encore nos deux mains… Quand c’est nécessaire on échantillonne nos propres stems de studio, puis on les joue en même temps que les drums. Ou alors on joue autre chose.
CxC : Meilleur souvenir d’un concert ou soirée ?
BR&CP : Grosse montée de son qui arrive de nulle part, imprévu, fièvre qui n’en finit pas.
CxC : Et le pire ?
BR&CP : Un beat qui prend pas, on s’ennuie, ou on a trop mangé…
CxC : La dernière fois qu’on s’est vus, à Nancy, vous avez ouvert la soirée par un live, Fulgeance a joué live ensuite et Rekick a terminé par un dj set, fortement animé au micro… c’était une chouette formule non ?
BR&CP : Si! Pour nous c’est le top parce que c’est la famille. Il ne manquait que Onelight (la prochaine!)
CxC : Le line up idéal ce serait avec qui ?
BR&CP : Des gens qu’on ferait venir chanter, rapper ou jouer à tour de rôle avec nous.. Sinon en ce moment on aime bien le crew Menace, on parle depuis longtemps de faire des trucs avec eux, on kiffe ce qu’ils font, grosse fraicheur. Ils ont ramené le vrai truc du beat, ça fait plaisir. Il y aussi les beat x changers qui sont très pointu en musique électronique et qu’on aime bien. Mais le line up idéal il y a toujours Fulgeance et Rekick dedans!
CxC : Avec qui aimeriez-vous collaborer ?
BR&CP : Claude MC, Matthieu Boogaerts, Christophe, Guy Marchand… On collabore déjà avec plein de gens à vrai dire; COEFF, Rocé, et d’autres surprises pour plus tard…
CxC : Pour ceux qui l’ignorent, vous avez déjà remixé Booba. Pierre tu es toujours aussi fan ?
CP : Booba c’était surtout cool quand tout le monde pensait que c’était sans intérêt, juste un truc de caille-ra, avant l’album Lunatic. A l’époque il faisait du son mainstream tout en étant sous estimé. Aujourd’hui c’est l’inverse.
CxC : Votre actu c’est donc le EP L’indien chez Heavenly Sweetness, et ensuite ? du live ?
BR&CP : Oui. Aussi un titre dont on a fait l’instru sur le prochain disque de COEFF : X6T qui sort le 16 juin, et un inédit à venir sur une compilation K7 etc… et de la navette et du rap.
Procure-toi L’Indien en CD, vinyle et / ou MP3 juste ici ou sur iTunes.
Suis l’actu de Baron Rétif & Concepción Pérez sur leur page fan Facebook et sur Twitter, écoute leur musique sur Soundcloud et sur Bandcamp.
Suis le label Heavenly Sweetness.
Relis nos articles sur Baron Rétif & Concepción Pérez :
Clip du morceau Cascade, extrait du EP Cascades, septembre 2012.
Cascades, EP, juin 2012.
Clip du morceauBeyonce, extrait du EP Cascades, juin 2012.
Clip du morceau Miami ft Vindhal, extrait du EP Cascades, mai 2012.
Cassette Mouillée, beat tape, été 2011.
En bonus de l’interview, et en attendant une Couvre x Tape de Baron Rétif & Concepción Pérez, les deux gaillards nous ont fait une petite sélection de morceaux spécial L’Indien :