Ma Gda, photo Arsène Marquis
La première fois qu’on a croisé Ma Gda sur les réseaux, c’était pour un cover en italien de Hotline Bling de Drake, et elle s’appelait alors Banshii. Mémorable. La jeune producture italienne basée à Lyon fait partie de ces bedroom producers hyper talentueux, dont la musique nous bouleverse à la première écoute. Parfois décrite comme de la « musique de sorcière grunge teinté de musique club avant-gardiste et de basses saturées » (respiration), Ma Gda sort tout juste aujourd’hui son premier EP sous son nouvel alias : Mourning Moon.
Mourning Moon explore le processus du deuil, « un parcours fluctuant entre perceptions déformées, douceur mélancolique et primaires, indomptables éruptions de chaos. un regard sur l’évolution discontinue et les phases intérieures qui s’alternent brusquement suite à l’avènement d’une perte ». L’écoute du EP nous évoque, par exemple, Björk, une analogie qui promet, d’ailleurs Ma Gda cite également parmi ses influences : « Nirvana, Tori Amos, Tanya, Tagaq, et divers clins d’oeil à la variété italienne des dernières décennies ». Pour ce travail, Ma Gda n’a pas travaillé seule (on revient sur ce point dans l’interview ci-dessous), et a su s’entourer de collaborateurs de haute volée : on retrouve de fait le brillantissime King Doudou, M-O-R-S-E (qui fait décidément l’actualité <3) ou encore Adam P ou Flatmate.
Découvrez en exclusivité le clip du morceau d’ouverture du EP, 4$ure ci-dessous, ainsi que l’ensemble du EP Mourning Moon un peu plus bas dans l’article, et prenez le temps d’en savoir plus sur la taleuse compositrice via quelques questions que nous lui avons posées.
PREMIERE : 4$URE
Quel a été le processus créatif du morceau 4$URE ?
C’est une track que j’ai commencée en octobre 2016 lorsque j’étais vraiment au fond du trou, l’ambiance sombre/rageuse vient de là. Dans l’histoire du EP chaque track correspond à une phase du deuil :
– DONDOLARE : déni,
– 4$URE: rage,
– ATTENTION WHORE: marchandage et tristesse,
– BREATHING TORI: acceptation,
– ISSUE: archivage de l’expérience, le regard d’ensemble avec le recul.
Pour 4$URE donc c’était la rage et j’ai choisi mes samples par affinité entre son et humeur. Les lyrics d’habitude me viennent d’un coup, genre en une demi-heure c’est plié. J’ai écrit toute ma vie (fiction et non -fiction, poésie), du coup le songwriting me vient plutôt naturel. Dans les paroles je suis furieuse parce qu’on me l’a fait à l’envers, j’ai la rage, je veux me venger de l’injustice qu’on m’a infligé et je veux tout brûler, mais après avoir exprimé le désir de « burn down » cette personne qui m’a fait du mal, je réalise que je vaux mieux que ça et que de toute façon cette personne va souffrir beaucoup même sans que je me salisse les mains, parce que sa conduite égoïste et mesquine entrainera inévitablement des conséquences (karma forever). Le clip réprend un peu cette idée du karma aussi.
Clip de 4$URE, réalisé par Ma Gda & Arsène Marquis
Ma Gda : un crédit pour un home studio
Reprenons depuis le début, peux-tu te présenter et nous parler un peu de ton parcours dans la musique ?
Je m’appelle Magda, j’ai 26 ans et j’habite à Lyon depuis 6 ans et sinon je suis italienne et j’ai grandi à la campagne, autour de Milan.
Je produis depuis 4 ans car je trainais beaucoup dans le milieu bass music/club lyonnais et que cet environnement avec plein de potes qui bidouillaient sur Ableton était favorable. À la base je voulais juste chanter mes chansons, mais j’ai vite réalisé que je n’aurais jamais été satisfaite de poser sur une prod déjà faite, du coup je me suis sorti les doigts, j’ai ouvert un crédit et je me suis acheté le matos pour faire mon petit home studio.
J’ai étudié le piano classique pendant toute mon enfance (je jouais aussi l’orgue à l’église lol) et j’ai appris la guitare en autodidacte. Mes parents sont ouvriers mais les deux sont passionnés de musique chacun à sa manière et sans rien m’imposer, ils m’ont toujours encouragée à faire ce que j’avais envie de faire.
Ma Gda, photo Arsène Marquis
Mourning Moon EP
Comment as-tu abordé la composition de ton EP à venir « Mourning Moon » ?
Faire de la musique pour moi c’est un moyen d’évoquer des états d’esprit, des souvenirs, de sublimer des émotions et évidemment d’écrire des histoires dans le but de communiquer et de se réunir en tant qu’humains. C’est aussi une façon de célébrer la vie, de remercier.
Dans mon expérience, la musique est thérapeutique et a aussi une dimension psychomagique, ça fait partie de mes rituels de reconstruction quand je ne vais pas bien. Si mon esprit est lourd, je fais de la musique et ça m’aide.
Pour cet EP voilà, ce n’était pas du tout un projet à la base. Je ne me suis pas dit: « Tiens je fais un EP ». Ce sont des tracks que j’ai composé entre 2015 et 2018 et que je me suis rendue compte à posteriori qu’elles parlaient de la même chose: d’une relation amoureuse, qui a été plutôt violemment assassinée, une séparation que pour sa gravité j’ai vécu comme un deuil. Dans cet EP je célèbre ce parcours de deuil et reconstruction et ce n’est pas anodin que j’aie choisie le 15 juin pour la sortie, c’est parce que c’est la Nouvelle Lune et pour moi c’est très important en termes d’énergies.
C’est clair que pour moi c’est vital de travailler en autonomie dans un premier temps, sinon je ne me sens pas libre. Je n’arrive pas à travailler from scratch avec les autres parce que je prends beaucoup de place et j’aime me laisser aller à mes élans créatifs en solitude. Je suis aussi une maniaque du contrôle, j’ai tendance à tout vouloir faire et c’est seulement dernièrement que j’ai appris à faire confiance aux personnes autour de moi. Je me soucie toujours de travailler avec des gens qui acceptent mon côté farouche et sauvage et qui ne veulent pas me contenir. Hugo [NDLR King Doudou] m’a appris – des fois sans le vouloir – beaucoup de choses, une surtout : c’est que je peux collaborer avec les autres à mes conditions et que ce n’est pas un problème, je trouverai des gens disposés à faire ça et si ça ne leur convient pas, j’ai juste à aller voir ailleurs. Il s’assure toujours de ne pas dénaturer ce que je fais et ça m’a réconciliée avec les producteurs en général. Des fois ça m’est arrivé de travailler avec des potes qui voulaient trop mettre leur nez dans la compo ou changer mon esthétique à moi et ça ça m’a gonflé. Non pas que je n’accepte pas de critique, mais la condescendance pour moi c’est point final. Stop. Adieu forever.
Pour les clip pareil, ça ne me dérange pas de travailler en solo en mode DIY mais ça a des limites, alors pour le clip de 4$URE on a travaillé en équipe, mais que avec des gens que je connais et avec lesquels je sais qu’on partage une vision.
Tu sors ton EP en totale indépendance, pourquoi ce choix ?
Il y en a plein de labels que j’aime mais mon esthétique ne correspond à aucun d’eux. J’ai démarché quelques labels mais soit aucune réponse, soit les gens n’étaient pas chaud de sortir cet ovni parce que « c’est beau mais ce n’est pas ce qu’on fait ». Honnêtement déjà savoir qu’ils trouvaient ça « beau » m’a donné beaucoup de force, je ne me suis pas sentie totalement rejetée et à un moment donné pour moi l’important c’est que ça sort, que ce soit quelque part et que ce soit la base pour tout ce qui viendra après. Du coup voilà j’ai décidé que je n’attendrais personne pour sortir mon truc. Ce qui m’intéresse vraiment c’est d’arriver à toucher des gens qui vont comprendre ce que je fais et pouvoir échanger avec eux, ça va être plus facile quand j’aurais mon live (j’espère avant la fin de 2018).
Ma Gda, photo Arsène Marquis
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