nunu est producteur qu’on pourrait rattacher à la scène hybrid club, il a en tout cas fait quelques DJ sets dans les maintenant défuntes et mythiques Bye Bye Ocean qui ont accompagné l’émergence de la scène à Paris, en recevant entre autre Rabit, Bulma et Lotic un même soir de février 2016.
Mais nunu a toujours évolué un peu en marge, il n’a guère produit que des remixes pour les club depuis Mind Body Dialogue, préférant se concentrer sur ce qu’on peut appeler « la matière sonore ».
cycle, qui est sorti en décembre dernier, est un album qui travaille à partir d’un matériel contraint, les mêmes boucles de synthés, de batterie et les mêmes vocaux pour chaque piste, qu’il s’agit d’agencer et de réagencer différemment, afin de faire dire autre chose avec le même matériel de base. Ce qui dans des temps politiques où la désémantisation est la règle, est un tour de force vraiment intéressant.
cycle travaille la ritournelle, la boucle, la répétition, les routines, les habitudes, une forme du souvenir sonore, de l’inscription sonore dans l’oreille.
D’un matériel contraint, les mêmes boucles, chaque morceau arrive à dire à la fois quelque chose de connu et continu, mais aussi quelque chose de nouveau et d’inattendu, intime et extime du même sonore, différence et répétition.
Ces matériaux limités, permettent à nunu de créer des atmosphères creusées et travaillées, de révéler une certaine densité, une certaine profondeur dans chaque boucle utilisée. C’est à la fois une manière par l’écoute de nous amener à questionner nos habitudes du sonore, ce que je reconnais, ce que j’identifie, ce qui est nouveau, ce qui se répète mais aussi notre relation au temps, à l’étalement, la dilation, la diffraction. L’album décompose d’abord les 8 cycles qui le composent, pour ensuite en proposer l’agencement dans un cycle unique.
Ce travail sur la mémoire, le temps, et les matières sonores ne s’arrête pas là, il y a une couche encore supplémentaire. cycle dialogue avec les archives personnelles de nunu, en tout cas avec ses manières de produire des boucles, des cycles et du sonore qu’il s’agisse des packs qu’il publie régulièrement, de son album Mind Body Dialogue (son premier album, le plus hybride au sens strict, sorti chez le très chic The Astral Plane) ou encore de SCUM.
cycle convoque l’ensemble des productions de nunu et même si il semble s’orienter clairement plus vers l’expérimentation que vers le dancefloor, on peut y reconnaître des manières de jouer avec la vitesse et la réception des boucles, de s’attarder ou d’accélérer, de laisser durer ou de faire disparaître une couche sous une autre.
cycle, est un album abouti et ciselé, où l’écoute semble questionner aussi ces deux années passées à tenter de réinventer des routines, des temporalités, des durées, des rapports à soi et à ses archives perceptives, pour se projeter à nouveau vers ce quelque chose d’autre qui arrive, maladroit, flou, mais forcément déjà en cours.