J’ai découvert le travail de Cléa Lala avec sa collection de casquettes brodées à la main « Animosités ». L’univers de cette collection, la précision des motifs brodés, et la rareté de ces pièces (étant brodées à la main, il n’y avait que très peu de quantités disponibles), m’ont tout de suite attiré et fasciné. Chaque pièce étant donc quasiment unique : impossible de la voir sur une autre personne dans la rue. Chaque motif brodé était le fruit de longues heures de travail, ce qui donnait une âme au produit, une histoire bien plus cool à raconter que celle des snapbacks fabriquées industriellement en Asie ou aux USA. Et puis, j’ai vu au fur et à mesure l’évolution de son travail avec le lancement des tee-shirts brodés et de nouvelle forme de casquettes (des 5 panels !)…
Il était super important pour moi de vous faire découvrir et apprécier son travail. J’ai donc proposé à Cléa de répondre à quelques questions. Vous verrez que Cléa Lala ne fait pas que des casquettes et tee-shirts mais travaille aussi sur de nombreux supports et projets aussi cool que complémentaires…
Et puis, non, le rappeur/chanteur/lover canadien Drake n’est pas le premier à avoir mis le hibou à la mode…
Couvre x Chefs : Bonjour Cléa, peux-tu te présenter aux lecteurs de CxC ?
Cléa Lala : Cléa, 27 ans, toutes mes dents. Comme les enfants qui veulent être maître(sse) parce qu’ils/elles adorent écrire au tableau, moi quand j’étais ado, je voulais être styliste parce que j’adorais customiser mes fringues. Mais je ne me suis pas spécialisée directement, histoire d’explorer un peu le monde. J’ai fait un bac L, oscillé entre les sections arts plastiques et cinéma, puis j’ai integré une prépa en arts appliqués. Entre temps j’ai quand même suivi un stage à L’INSTITUT FRANÇAIS DE LA MODE au sein du Cycle International de Création de Mode qui m’a énormément plu. Mais du coup, j’ai préféré garder ma passion pour le textile et la customisation comme un loisir plutôt que d’en faire mon gagne pain, et je me suis dirigé vers la communication visuelle, le graphisme.
J’ai donc d’abord intégré L’ÉCOLE ESTIENNE en BTS puis l’ENSAAMA OLIVIER DE SERRES pour un DSAA créateur concepteur à Paris. Là j’ai été sélectionnée pour représenter les arts graphiques lors du FELDSTÄRKE INTERNATIONAL 2009 à l’initiative du CENTQUATRE. Et là, je me suis dit bingo ! Travailler avec d’autres étudiants attachés à d’autres terrains (mode, musique, danse etc) sur des projets communs et pluridisciplinaires c’est vraiment ma came. Donc quand j’ai eu une bourse pour partir travailler à l’étranger, j’ai choisis un lieu pluridisciplinaire (graphisme, musique, théâtre, mode) à Athènes, central en matière de pratiques artistiques contemporaines diverses. J’avais très envie, et surtout besoin de ré-ouvrir ma créativité à d’autres domaines que le graphisme pur et dur que je développais depuis 4 années, et qui honnêtement, me sortait par les trous de nez.
La crise n’ayant épargné ni les Grecs ni ma pomme, et l’envie de développer mes projets personnels grandissant, je suis finalement rentrée à Paris où j’habite et travaille aujourd’hui. Et après un an de graphisme pur et dur (j’ai travaillé en indépendante sur un kit ludique de découverte de la surdité (lauréat du prix Paris Jeunes Solidaires et coup de cœur du jury à l’unanimité – Mairie de Paris), j’ai renoué, enfin, avec ma première passion : la couture et la customisation.
Certains me définissent comme créatrice, d’autre comme graphiste, et d’autres encore me définissent comme une marque. Pour résumer, je suis tout ça à la fois, un genre d’atelier pluridisciplinaire sauf qu’il n’y a que moi, et mes dix doigts.
CxC : Aujourd’hui, de plus en plus de jeunes créateurs lancent des séries de tee-shirts et sweatshirts sérigraphiés. C’est plus simple et on peut rapidement produire de grosses quantités. Toi tu prends un peu tout ça à contre courant. Pourquoi avoir choisi la broderie artisanale (et la production en petites quantités) comme support ? outil d’expression ?
Cléa : Parce que je n’ai pas pensé mon projet comme un projet commercial, mais je l’ai pensé comme un projet créatif ! Lorsque j’ai voulu faire ma première casquette, celle de mes rêves, je me suis renseignée sur les différentes productions possible. J’avais mon motif que j’avais dessiné (le hibou) et je suis allée voir différentes boites pour connaître leur tarifs. Quand j’ai compris que ce que je voulais faire ne serai jamais aussi bien fait que ce que je souhaitais (« il faudrait moins de traits par là », « c’est trop fin ici », « la taille devrait être comme ça » tel était le blabla des fabricants), alors j’ai envisagé de faire le travail moi même, à la main.
Et tant pis si cela devait prendre beaucoup de temps, puisque je voulais quelque chose de vraiment qualitatif. Ma toute première casquette je l’ai faite en plusieurs jours, mais plus j’avançais plus j’avais hâte de la voir finalisée. Alors bien sûr j’ai mis de côté les questions de rentabilité, parce que que ça n’est pas hyper rentable vu le temps de travail que cela nécessite et les prix que je souhaite pratiquer (moins de 100 euros) mais je suis contente qu’il existe des personnes qui reconnaissent cette qualité…
Mais effectivement, travailler en quantité permet d’arroser le marché (faire des cadeaux aux artistes, envoyer des pièces aux magazines, laisser des productions en showroom etc) et augmenter la rentabilité de son projet (plus t’en fait moins c’est cher) en même temps que sa visibilité. Et malheureusement, nombreux sont celles et ceux qui veulent porter tel ou tel truc juste parce que ils l’ont vu sur tel artiste à la télé, ou dans tel magazine. Tu peux faire un truc tout pété, le vendre hyper cher, tout ira bien si tu as de la visibilité. C’est stratégique. C’est économique. Voir même pathétique. Money money money !
CxC : Tu es passionnée de typographie et d’illustration, tu peux nous en dire plus ? Qu’est-ce qui t’attire concrètement dans ces deux domaines ?
Cléa : Ce qui m’attire c’est la force du message, de l’atmosphère, du sentiment, que tu peux véhiculer avec un enchaînement de mots bien construits ou une image bien «calibrée», en un clin d’œil, voir deux. Ou juste l’humour que tu peux donner à voir.
« CRY ME A RIVER » et « LAISSE PAS TRAÎNER TON FILS », par exemple, c’était une image que j’avais en tête depuis un moment, qui disait tellement plus que ce que j’aurai pu écrire avec des mots, que j’ai cherché le bon moyen de la construire. Il fallait que ces larmes coulent, encore et encore, et j’ai d’ailleurs pas mal hésité au moment de les couper ! J’aurai pu juste écrire « PLEURS » ou « PLEURE » mais c’était déjà trop indécis pour correspondre au sentiment que je voulais partager. D’ailleurs, j’ai eu plusieurs personnes qui m’ont dit avoir été très mal à l’aise à la vue de cette image. Pour moi, dans ce cas là, c’est mission réussie.
« CRY ME A RIVER ».
« LAISSE PAS TRAÎNER TON FILS ».
Mais parfois, il n’y a que le mot qui m’obsède, les sens qu’il porte, et les différentes formes qu’on peut lui donner. Je me suis profondément intéressée à ces questions lors de mes diplômes en communication visuelle, que j’ai tous deux questionnés sur la surdité, l’accès à la langue française et à la communication. Je pense que ma série d’affiches sur la surdité JE NE VOIS PAS BIEN CE QUE TU VEUX DIRE pourra le mieux illustrer ces interrogations. C’était une phase de mon projet de diplôme que j’ai ensuite développé pour l’INPES (Ministère de la Santé) où j’ai cherché à rendre compte pour le grand public de l’altération de la perception auditive d’une personne sourde (des sons déformés, confondus, etc…).
Série d’affiches « Je ne vois pas bien ce que tu veux dire » (cliquez sur une photo pour agrandir) :
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Le mot en soit, c’est déjà un univers, en fonction de ses sens intrinsèques, et des combinaisons possibles à d’autres mots. Mais en plus, en fonction de comment il est composé dans l’espace (une page disons), il peut dire encore quelque chose de différent. Si en plus tu modifies la graphie même de ce mot, tu multiplies les interprétations possibles, en ajoutant ou annulant un sens, différent ou qui confirme celui de base (détournement etc). C’est ce qui me fascine dans la typo, c’est ce pourquoi j’aime jouer avec… Partir d’une forme qui a un fond, un sens, puis transformer cette forme, pour justement en détourner ou appuyer le fond… un jeu qui peut durer des heures !
Alors ensuite l’illustration ou la typographie, ça dépend justement de ce que je veux faire passer. J’aime créer des images. J’en fait donc mon métier, et j’aime explorer : différents supports, différents outils, différents projets. À vocation sociale, culturelle, ou purement esthétique.
Lettrage réalisé pour Acqua di Parma.
Si je savais faire de la musique, c’est ce que je ferai aussi pour plonger les gens dans une ambiance que j’aurai définie, mais je ne sais pas aligner trois notes sans faire fuir tout le monde !
CxC : Etant passionné de couvre-chefs en tous genres, j’ai découvert ton travail avec ta collection de casquettes snapback « Animosités »… Pourquoi avoir-choisi la casquette comme support pour tes broderies ?
Cléa : Cette collection est née d’une envie perso à la base : à force de squatter les casquettes des copains, j’ai eu envie de m’en faire une. Il y avait donc d’un côté cette envie d’avoir une snapback à moi, de l’autre ce hibou que j’avais dessiné à Athènes et qui représentait beaucoup pour moi. L’un dans l’autre (ou devrais-je dire « l’un «sur » l’autre »), ça a donné le tout premier bébé de ce que par la suite, j’ai développé en édition limitée.
Et puis les paradoxes, l’association de choses antinomiques, j’adore. Alors apporter un peu de raffinement dans l’accessoire street par excellence, ou travailler des heures sur la broderie d’un mot insultant que je lance en deux secondes, pour moi c’est pareil… D’ailleurs quand Jéremy (www.jeremy-esteve.fr) m’a proposé de shooté la collection, il a capté direct l’univers de la collection que je voulais développé : entre l’agressif et le fragile, le street et le sophistiqué.
À ce moment là encore, on voyait pas trop de nanas avec des casquettes, et de manière générale les shops et les marques ne développaient pas trop ce produit. Je suis donc arrivée au bon endroit au bon moment je crois, et j’ai été bien reçue, ça m’a donc encouragé !
Packshot des pièces de la collection Animosités et photos du lookbook (cliquez sur une photo pour agrandir) :
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CxC : Tu as développé un peu plus tes collections et aujourd’hui tu proposes des 5 panels, des tee-shirts et des toiles. Tu peux nous raconter comment s’est faite cette progression (toute la collection Cléa Lala est disponible sur son eshop) ?
Cléa : Le truc le plus flippant pour moi c’est qu’on me colle une étiquette. Du coup quand j’ai commencé à entendre des phrases genre « Cléa, la meuf qui fait des casquettes », ça m’a titillé : d’une part parce que je ne fais pas que ça, d’autre part parce que je n’avais pas envie qu’on ne retienne QUE ça. Du coup j’ai commencé à montrer aussi les autres choses que je faisais, et à les développer.
Les retours supers positifs sur ma première collection, m’ont énormément encouragé à continuer de faire tout simplement ce que j’aime. Et à proposer des choses qui me ressemblent, et semblent manquer dans mon environnement. Chaque projet est né d’abord d’une envie personnelle, pour ensuite devenir collection. Mais le point de départ , à chaque fois, c’est « tiens, j’aimerai bien me faire ça ».
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(cliquez sur une photo pour agrandir).
CxC : Quels sont les prochains supports sur lesquels tu vas broder ?
Cléa : Motus et bouche brodée !
CxC : Concrètement, comment procèdes-tu ?
D’abord il faut une envie : qu’elle soit mienne ou celle d’un client dans le cas d’une personnalisation. Envie de raconter un truc, de marquer une date, un prénom, un mot ou un dessin. C’est la phase conception en gros.
Ensuite, s’il s’agit d’une personnalisation : je propose une ou différentes pistes, essais, brouillons à partir de ce que l’on m’a demandé, ou je me lance direct. Si j’ai une idée légèrement différente de la demande de base, la plupart me font confiance et on arrive à un terrain d’entente qui satisfait les deux parties (c’est hyper important pour moi d’être contente de ce que je vais faire, même si au final ça n’est pas pour moi).
S’il s’agit d’une production personnelle, soit j’ai une idée très précise en tête que je cherche à réaliser exactement comme ce que j’avais imaginé, soit je tâtonne et me lance dans différentes expérimentations. Parfois je passe par un croquis, ou des brouillons de lettrage, parfois pas. Parfois je mets plusieurs jours à caler un visuel, parfois je passe directement de mon idée à la réalisation.
Pour cette dernière étape (celle de la réalisation), cela dépend encore de s’il s’agit d’une personnalisation ou d’un projet perso. Dans le premier cas, tout est assez calé pour que le rendu final corresponde à ce qui était prévu. En général la contrainte de temps cadre bien tout ça. Dans le cas d’une production personnelle, c’est différent parce que je m’autorise des divagations qui parfois me mènent carrément sur autre chose. À ce moment là, une pièce est finie quand j’en suis contente, et que je la trouve équilibrée.
Dans tous les cas, je tiens vraiment à ce que l’on comprenne que je ne suis pas une exécutante, je tiens au processus de création. C’est moi qui fait les dessins, les typos (ou la compo si j’utilise une typo existante), et la réalisation. Et c’est ce que les gens commencent à comprendre : j’ai de plus en plus de demandes qui me proposent carte blanche. Mais de toute façon je refuse les projets type « je veux ça, ici, comme ça, y a pas le choix ». Ça ne m’intéresse absolument pas. À moins qu’il y ait un très très gros billet à la clé !
Photos workinprogress + personnalisations (oh boy, Kenza, RS, )
CxC : Chez Couvre x Chefs, on est très fans de Deen Burbigo et de Espiiem. J’ai vu que tu avais collaboré avec eux sur des modèles de casquettes. Comment s’est faite la connexion avec eux ?
Cléa : INTEEEEEERRRRRNNNEEEEEEEEETTTTTTTTTTTTT !
Deen, je l’ai découvert sur les Rap Contenders. J’ai eu un vrai crush pour lui, tant sur le fond que sur la forme… Du coup je lui ai montré mon taf, il a kiffé, et on a réfléchi à un modèle de casquette exclusif pour lui. On est parti sur une 3 faces (devant derrière côté), il m’a dit ce qu’il voulait puis j’ai eu carte blanche sur la réalisation. Quelques semaines plus tard on shootait ça avec Jérémy Estève (big up à vous deux si vous me lisez).
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(cliquez sur une photo pour agrandir).
Avec Espiiem c’était différent, parce qu’à la base je ne connaissais pas très bien son travail. C’est par le biais du collectif FROM PARIS qu’il m’a contacté (merci au crew qui fait tourner mon taf <3, avec qui j’ai d’ailleurs aussi collaboré sur une cap). Il savait déjà ce qu’il voulait, et sur cette prod là c’était plus une discussion et une adaptation de son projet qu’une création 100% made in moi, même si j’ai redessiné son lettrage et l’ai conseillé sur quoi et comment faire, et réalisé les broderies à la main. Sur ce coup là donc, j’ai accepté le projet parce que j’appréciais le personnage et son travail, mais c’est pas toujours le cas, j’ai aussi refusé de faire ce type de projet avec d’autres MC que je trouvais moins intéressants.
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(cliquez sur une photo pour agrandir).
CxC : Tu as animé des stands de personnalisation au BHV (pour la fête des mères) et à l’Hôtel Particulier Montmartre pour Anne Fontaine (personnalisation de chemises de la marque). Que retiens-tu de ces expériences ? C’est important pour toi d’être en contact direct avec les « clients » ?
Cléa : Aussi, et surtout pour Levi’s durant plus d’un mois ! Ce type d’atelier est un peu particulier car il faut s’adapter en direct au client, et surtout respecter une contrainte de temps. Alors que sur une production personnelle je peux passer plusieurs heures à travailler le dessin, l’illustration, la typo, la compo, la broderie, ce type d’événements impose de répondre à tout le monde en très peu de temps (entre 10 et 20 minutes par broderie, dessin ou lettrage compris). Ces expériences nécessitent donc de s’adapter en un temps restreint, c’est un peu le challenge.
Mais c’est vraiment super de voir l’étonnement des clients qui observe en live le processus de création. C’est aussi pas mal de conseils (sur le design général, l’emplacement, la couleur etc), et ça fait du bien de pouvoir échanger en direct, ça ramène un peu d’échange humains à l’heure où tout se passe sur internet.
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(cliquez sur une photo pour agrandir).
CxC : Tu as déjà abordé la question mais j’aimerais revenir sur un point. Sur ton site web, il y a aussi une section « personnalisation » où tu proposes aux gens de concrétiser leurs souhaits. Tu peux nous en dire plus ?
Cléa : Très vite lorsque j’ai démarré les casquettes brodées, j’ai reçu des demandes personnalisées. Je l’ai fait au départ puis j’ai arrêté parce que cela nécessitait beaucoup trop de travail par rapport aux prix que je souhaitais pratiquer, et il aurait fallu que je trouve un moyen plus rapide de répondre à ces commandes alors qu’un des paramètres d’une belle broderie bien faite c’est justement le temps qu’on y passe.
Depuis j’ai repris, mais surtout pour la typo, et dans certains cas pour le dessin, car c’est intéressant d’entendre les projets des autres. Cette section est très vague finalement car je souhaitais laisser libre cours aux envies des gens, tant en terme de support que de motif.
CxC : Quelle est la personnalisation la plus folle qu’on t’ai demandé ? Ou alors la collaboration sur laquelle tu as le plus apprécié travailler ?
Cléa : Tous les projets sont tellement différents les uns des autres que ça n’est pas évident de les comparer et d’en mettre un plus en haut de l’échelle que les autres. Mais s’il faut trancher, ma collaboration avec LEVI’S est peut être celle qui m’aura le plus marquée parce que j’étais hyper enthousiaste à l’idée d’avoir été sélectionnée pour travailler avec cette marque que j’affectionne, et que l’équipe était super. J’ai aussi travaillé sur une carte de vœux papier pour la marque… J’ai donc vraiment apprécié qu’on sollicite mon travail de graphiste dans sa totalité.
CxC: Qu’est-que ce tu apprécies le plus dans ton travail ?
Cléa : L’indépendance.
Je me suis en quelque sorte crée mon propre métier. Du coup je fais ce que j’aime, au moment où j’en ai envie. Et comme j’aime toucher à tout, et ne pas faire tout le temps toujours la même chose, là je suis servie ! Du moindre mail, que ce soit pour une simple demande de renseignement, à la mise en place d’une collab ou d’un partenariat; la recherche de fournisseurs, les prises photos, la maintenance du site, la mise en ligne, la rédaction, et bien sûr la conception, la création et la réalisation de toutes mes pièces qui parfois deviennent des collections (séries & édition limitée), la préparation et l’envoi des commandes… JE GÈRE TOUT ! Je choisis avec qui je bosse ou pas et je rencontre des tas de personnes hyper intéressantes. Je peux choisir mes collègues de travail, choisir quand je bosse et quand je ne bosse pas, faire une grasse matinée jusqu’à midi puis bosser jusqu’à 6h du mat si ça me chante, mettre la musique à fond, m’habiller comme je veux pour bosser, ou même bosser à poil (oups), au téléphone ou devant un film, faire des pauses quand je veux, bref… J’ai un sentiment de liberté que j’ai rarement ressenti les fois où j’ai été salariée !
Et puis c’est quand même un luxe de pouvoir être appelée par des marques pour donner ton avis, conseiller et créer pour elles, participer à leur développement…
Je crois que c’est ça que j’apprécie le plus, et ce dont j’ai besoin en ce moment, ne pas être rangée dans une case, et qu’on ne me dise pas ce que j’ai à faire, comment je dois faire ou ne dois pas faire.
CxC : À l’inverse, quelles sont les difficultés auxquelles tu dois faire face au quotidien dans le cadre de ton travail ?
Cléa : L’indépendance…aussi ! A prendre avec ses avantages… et ses inconvénients !
Ça n’est pas toujours évident de tout gérer tout le temps toute seule, justement. Il faut être optimum 24h/24, s’imposer des contraintes pour faire avancer la machine, et assumer tous ses choix, sans pouvoir lâcher du lest. Je suis mon propre boss, si je fais deux trois choses à moitié c’est à moi-même que je vais en vouloir, et c’est moi-même que je peux faire couler, pas mon boss.
La limite entre le personnel et le professionnel n’est plus très nette parce que je travaille souvent à partir de choses très personnelles. J’apprends donc sur le tas à me ménager (garder une pratique personnelle que je ne montre pas par exemple), et aussi à être/me déposséder de mon travail. Ça paraît bête, mais commercialiser certaines de ses productions n’est vraiment pas évident.
Gérer à la fois le rapport aux thunes, et à la création et un élément très difficile de la création indépendante je trouve, parce qu’il faut pouvoir faire abstraction du commercial dans la création, alors même que paradoxalement l’objectif c’est d’en vivre ! Il faut donc avoir plusieurs casquettes (sans mauvais jeu de mots), savoir laquelle porter quand, à quel moment, savoir les combiner et les isoler. C’est à en devenir dingue parfois ! Mais, quand tu réussis un truc, l’avantage c’est que tu ne le dois qu’à toi. Et ça, c’est priceless.
Et puis paradoxalement, je trouve affolante et déconcertante cette importance omniprésente de l’apparat, où on mise tout sur la première image, l’apparence. Mais tellement amusante à la fois que ça en devient parfois un jeu : que je porte une snapback ou un chapeau de paille, je passe pour une meuf street ou une petite bourgeoise et mes relations en deviennent complètement différentes. Mais quand j’ai pas envie de jouer, j’enfile un tee-shirt de coton et un legging noir et je me dit que ce serait tellement plus simple si on vivait tout nu :-)
CxC : Quels sont tes projets pour 2014 ?
Cléa : Motus et bouche brodée !
CxC : Le mot de la fin ?
Cléa : Il paraît que tout le monde meurt un jour, Alors autant vivre la nuit ! En vrai, merci pour vos questions !