Après trois compilations Dandelion dressant une exhaustive cartographie des scènes hybrides de la musique club et queer, l’emblématique entité ParkingStone menée par l’artiste Simon.e Thiébaut revient avec une quatrième sortie : Blist. Sur ce nouveau projet, ParkingStone continue d’intensifier son travail de recherche et de visibilisation autour des artistes qui font vivre et exister les scènes clubs engagées et enragées à travers le monde.
Ici l‘exploration passera autant par l’Indonésie que par Shangaï, Londres, Berlin, Bruxelles ou Paris. On y trouvera des figures déjà historique de l’hybride club comme Nkisi, très proche au début de Non Worldwide, ce label collectif majeur de la diaspora africaine mené entre autre par Angel Ho et Chino Amobi. Mais aussi des groupes qui émergent depuis déjà quelques années comme Gabber Modus Operandi, repéré au dernier Nyege Nyege festival. On retrouve aussi des proches de feu Bala Club, comme Endgame ou bien des acharné.e.s du hardcore comme HD MIRROR, Gabber Eleganza, Summer Satana ou Osheyack.
S’il y a tout juste un an, quand la première compilation sortait comme une sorte de bilan « perspectives et prospectives » des soirées ParkingStone, aujourd’hui Blist résonne plutôt comme une utopie d’une scène club retrouvée et/ou désirée. À l’heure où plus personne ne danse à plus de six personnes et où la répression sur les fêtes libres se fait sous un nouveau mot d’ordre sanitaire.
À l’heure aussi où l’on voit sortir du bois le fascisme sous jacent de tout pouvoir centralisé et le goût pour la norme et le contrôle autour du sacro saint triangle « travail, famille et consommation énergétique », Blist sonne effectivement comme l’utopie ou comme le manifeste d’une autre communauté de la fête et de la vie. Une vie intense, une vie hybride, une vie diverse.
Si la fête, la musique, les arts et la culture sont aujourd’hui mis en scène comme un danger par les autorités, c’est effectivement de fait parce que la propagation du virus y est difficilement contrôlable. Mais ne nous trompons pas, cette instrumentalisation de la nuit, des clubs, de nos générations, c’est aussi une tentative de castration mentale, une énième. C’est aussi une manière de retarder toujours ce monde qui change et continue à changer sans eux.
Blist en fait me fait penser à cette incroyable peinture, Le Printemps d’Apolonia Sokol, exposée au MO.CO à Montpellier dans le cadre de l’exposition Possédé.e.s. En reprenant les codes de Botticelli, Apolonia Sokol tente de donner à voir ce que seraient les codes d’une des féminités d’aujourd’hui. Des codes hors genre, des codes autres, des codes hybrides, des codes pour simplement vivre comme on l’entend avec son corps tel qu’on le ressent et le perçoit, avec son corps tel qu’il est.
En fait, Blist, n’est pas une utopie, c’est déjà la réalité, et il va falloir s’y faire et s’en armer pour en finir avec toutes les tyrannies et formes d’oppressions qui tentent encore d’anéantir toute tentative d’émancipation. Blist c’est peut-être aussi un morceau de ce que quelques philosophes appellent depuis déjà quelques années la monstruation. La monstruation non pas seulement comme alliance des monstres et des fléaux sociaux comme on aurait dit sous les banderoles du FHAR ou des gouines rouges dans les années 70, mais comme simple processus de singularisation. La singularisation non pas par la consommation d’un énième mode de vie, d’un énième produit, d’une énième fête toute quadrillée, mais bel et bien par l’hybridation des intensités qui traversent nos vies et nos identités.
Avec Blist, et comme le visuel qui accompagne la sortie de la compilation tant à le montrer, il est temps de devenir les monstres, les hybrides qui reprennent possession des intensités de leurs vies, de leurs clubs et de leurs identités. Monstruer les clubs et les identités, inventer la fête et la vie de demain, voici le pari relevé encore une fois avec magie par Simon.e Thiébaut !
Blist de ParkingStone est dispo sur toutes les plateformes.