Le collectif musical hybride et multi-genre Hyperlink lance son activité de label avec une première compilation expérimentale en soutien aux femmes victimes de violences domestiques
Si il est communément admis et abondamment documenté depuis maintenant plus d’un an que la pandémie de COVID-19 a eu un impact dévastateur sur l’ensemble des secteurs culturels et professionnels français, il ne faut pas non plus mésestimer les effets criminels que les périodes de confinement et d’assignation à domicile ont amplifié au sein des ménages. Comment se fait-il que dans un pays où les témoignages de victimes de viol et/ou d’agressions sexuelles depuis les mouvements #metoo et #balancetonporc se font pourtant de plus en plus entendre, l’intégrité psychique et physique d’un nombre effarant de femmes soit toujours aussi mise à mal ? Et ceci au sein même de leurs cellules familiales ?
Malgré, comme le rappelle Le Monde, le fait que le nombre de féminicides commis durant l’année 2020 tend à s’être réduit en comparaison aux années précédentes (90 cas recensés l’année dernière contre 146 en 2019 – source : Le Monde), celui des plaintes déposées concernant des faits de violence conjugale et domestique a lui dramatiquement augmenté (avec une hausse de 60% sur la période du deuxième confinement d’automne 2020 – source : arretonslesviolences.gouv.fr).On peut donc voir dans ces faits rapportés (mais souvent peu jugés) les conséquences d’une résistance pluri centenaire d’un modèle de société patriarcal dans lequel les femmes doivent toujours arracher leur liberté de parole et la prise en compte de leurs témoignages auprès de structures judiciaires et policières souvent à majorité masculine. Et, par extension peu enclines à envisager l’influence socio-culturelle et politique à l’origine de ces drames.
Quelle que soit sa position au sein de la société contemporaine, être femme consiste encore à subir les réflexes systémiques d’une construction sexiste hégémonique au niveau mondial, qui continue de justifier les auteurs d’agressions. Tout en minimisant les fondements toxiques d’un culture néolibérale et d’un virilisme exacerbé médiatiquement, qu’il serait enfin temps de déconstruire de manière collective et à tous les niveaux (professionnel, linguistique, intime, érotique, économique et social).
C’est avec cette réalité sociale chevillée au cœur et à l’esprit que le collectif Hyperlink, initié par Fanny Cahu, a pensé et conceptualisé cet album international et multi-genres baptisé lilywhite (expression anglaise qui désigne « un individu parfait et sans mauvaises qualités », à envisager ici selon une grille de lecture plurielle). Au fil des onze pièces sonores variées qui composent ce projet, signées entre autres par des artistes comme Ice_Eyes, Ytem ou encore Miss Jay, la musique fait résonner l’écho de ces corps féminins toujours en proie à la violence de leurs conjoints, eux même poussés à l’acte par un pouvoir judiciaire et une administration policière encore trop insensible aux dérives patriarcales.
A l’écoute de ce projet, on peut entendre de nombreuses influences sonores qui vont de la bass culture à l’ambient expérimental, et où l’on décèle la volonté de concevoir une certaine forme de musique sacrale hyper-moderne où l’usage de la voix chantée est prédominante. Des voix qui sont d’ailleurs un des critères esthétiques reliant les différentes pièces au sein de cet album qui, si l’on s’y plonge avec attention, semble avoir été collectivement pensé comme profondément homogène et cathartique.
Et si lilywhite semble jouer bande à part dans le flot récent de projets de compilations parus depuis le début de l’épidémie de coronavirus, c’est aussi car il semble avoir été taillé dans un diamant brut. Celui dans lequel sont captées toutes ses souffrances vécues par les corps féminins depuis des millénaires, et dont il serait temps de se défaire avec vigueur. Ces onze pièces constituent donc un répertoire sonore idéal pour épouser les désirs politiques de notre époque, ceux d’une génération qui veut en finir avec la violence systémique et quotidienne, qu’elle soit liée à des discriminations sur critères présumés de genre, de race (au sens sociologique et non biologique), de classe et/ou d’orientation sexuelle. Une jeunesse révoltée qui est prête à tout pour parvenir à créer un futur meilleur pour tous.tes.
Par ailleurs, l’ensemble des bénéfices reçus via la vente de ce projet iront soutenir l’association française Solidarité Femmes, qui vient en aides à TOUTES les victimes de violences domestiques par un système d’accompagnement, d’accueil et d’hébergement : https://www.solidaritefemmes.org.
L’album digital et collectif lilywhite est disponible depuis le 10 mars dernier sur le Bandcamp d’Hyperlink.